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Les membres du GRE (Groupe de Réflexion Emmaüs), originaires d’Argentine, du Chili, du Pérou, du Danemark, d’Espagne et de France, réunis à Callian (Communauté Emmaüs du Var, France) du 16 au 19 novembre 2011, après un large débat sur la validité de l’héritage de l’Abbé Pierre :
- dans le contexte politique du monde actuel et du Mouvement Emmaüs,
- et en utilisant la méthode de l’éducation populaire libératrice.
Nous déclarons nos constatations, manifestations et suggestions concernant le contexte sociopolitique et économique actuel et la réalité du mouvement Emmaüs :
NOUS CONSTATONS
Dans le domaine social et politique :
- Que notre mère, la Terre, est exploitée de façon irrationnelle, rapprochant la Vie d’une situation insoutenable. Elle a vécu des milliers d’années sans les êtres humains, mais ces derniers ne pourraient pas vivre une seule seconde sans elle.
- Que l’économie s’est éloignée des besoins humains et des finances de l’économie, faisant passer le profit avant tout et à n’importe quel prix, c’est pourquoi la crise existe et ce sont les pays pauvres et les pauvres de tous les pays qui en font les frais.
- Que la crise n’est pas seulement économique, elle touche aussi les valeurs. Aujourd’hui, il est plus important d’avoir que d’être.
- Qu’au milieu du chaos de la destruction et de l’exploitation, il existe des États et des Mouvements, des peuples indigènes et indignés, opposés à la dynamique capitaliste, qui proposent des résistances et autres solutions discréditées par les médias de masse.
Au sein du Mouvement Emmaüs :
- Qu’Emmaüs International, né comme organe de liaison, de rencontre et de réflexion, est devenu une « multinationale de la charité » en déplaçant le cœur du pouvoir qui était auparavant dans les groupes et les organisations nationales-régionales et est aujourd’hui centralisé autour d’une élite qui dirige les autres communautés Emmaüs comme des succursales, générant constamment un conflit entre les besoins des groupes et ceux de l’élite. C’est pourquoi le terme « Représentant Régional » est remplacé par celui de « Conseiller d’Emmaüs International », changeant le mécanisme de confiance par celui de contrôle.
- Que les valeurs fondatrices d’Emmaüs, accueil, communauté, travail, service et lutte, ont été redéfinies selon la pensée technocrate, s’éloignant de la méthode et des motivations de départ qui précisent « Devant toute souffrance humaine, selon que tu le peux, emploie-toi non seulement à la soulager sans retard, mais encore à détruire ses causes ».
- Que les mécanismes de participation ne sont ni réels ni efficaces. Les groupes ne disposent pas d’informations complètes et pertinentes pour exercer leur droit de participation.
- Que le non-respect des processus des groupes et des compagnons, en imposant des actions ou des projets de solidarité, est une constante ces dernières années.
- Qu’il existe des groupes qui vivent et appliquent fidèlement les valeurs fondatrices d’Emmaüs.
NOUS DÉCLARONS
Dans le domaine social et politique :
- Que « l’heure des peuples est arrivée », ceux qui commandent ne représentent pas la volonté populaire car le concept de démocratie et de participation a été dénaturé.
- Que nous devons rester sur nos gardes devant les mécanismes de mutisme, discrédit et dénaturation qui sont favorisés dans le système actuel ; aujourd’hui plus que jamais, nous devons faire preuve de jugement critique pour que les vrais mensonges ne soient pas des vérités mensongères.
- Qu’il faut rester vigilant pour éviter de reproduire les pratiques du modèle capitaliste (surconsommation, abus de pouvoir et arrogance du marché) qui conduisent à l’esclavage et à l’endettement des peuples, de même qu’au saccage de la nature.
Au sein du Mouvement Emmaüs :
- Que les valeurs fondatrices du Mouvement Emmaüs et l’Héritage de l’Abbé Pierre sont d’actualité et peuvent ouvrir de nouveaux horizons ; particulièrement aujourd’hui plus que jamais, et face à la technocratie du social, la « Communauté Emmaüs » constitue une forme réelle et concrète de résistance au capitalisme.
- Qu’il faut promouvoir le sens d’appartenance au sein d’Emmaüs pour le développement du militantisme et l’engagement envers « les autres » comme un projet politique de libération.
- Que nous devons être plus influencés par l’idéologie et la lutte pour des objectifs nobles que par le financement et l’efficacité technocrate.
- Qu’il faut récupérer l’identité et l’autonomie des Groupes et des Régions.
- Que tous les membres compagnons doivent être reconnus égaux et comme individus ayant des droits ; personne au sein d’Emmaüs ne doit être considéré « utilisateur », « client » ou « objet de charité ».
Et pour tout cela, NOUS SUGGÉRONS
Dans le domaine social et politique :
- D’avancer en matière de pratiques de souveraineté alimentaire à travers la distribution des ressources naturelles en raison de sa répercussion sur la politique, l’économie et la nature.
- De travailler sur la sensibilisation concernant les conséquences du mode de vie occidental par rapport aux pays pauvres et à la nature, et récupérer des modes de vie en harmonie entre la nature et les êtres humains dans le contexte vital et historique.
- De prendre pour exemple la « Bonne vie » des peuples indigènes.
- De travailler par l’organisation du pouvoir populaire.
Au sein du Mouvement Emmaüs, « à l’approche du centenaire de la naissance de l’Abbé Pierre, du cinquième anniversaire de son décès et de la prochaine Assemblée Mondiale d’Emmaüs International » :
- De raviver l’Héritage Social et Politique de l’Abbé Pierre, de travailler pour la souveraineté alimentaire et de créer des Écoles de Formation Politique.
- Au sein des Réseaux et Alliances, de nous solidariser avec les différentes mobilisations et luttes pour la transformation de la société.
- De récupérer le débat politique et le respect de la diversité qui sont les meilleurs éléments pour renforcer le sentiment d’appartenance et les relations entre pairs.
- De politiser la réflexion, la discussion et l’action.
- D’annuler et/ou de modifier tous les statuts, règles et pratiques qui empêchent la liberté et l’autonomie des groupes et régions, mais également de restructurer le Secrétariat international comme organe de liaison, en restituant aux régions les compétences et les fonds.
- De « décentraliser » le pouvoir de décision au sein d’Emmaüs International.
CALLIAN, LE 19 NOVEMBRE 2011
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